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ainsi de mon temps. (Ah ! je ris de ce terme-là de mon temps qui s’est échappé de ma plume. Je parle là comme si depuis cette époque j’avais passé une longue vie. Mais la période de regret d’un bien perdu paraît toujours interminable, et pour employer une expression méridionale qui me plaît, j’ai bien langui loin de vous et de mon cher pays.) Il faut finir par fermer cette parenthèse et en venir à mon aveu.

« Votre jardin n’était pas très soigné ; il y poussait beaucoup de choux et de salades dans les carrés des plates-bandes ; les fleurs ne se reproduisaient que par graines et à l’aventure au bord, comme guirlande à ces carrés potagers. Moi, j’ai toujours aimé d’instinct à voir pousser les fleurs et à remuer de la terre. L’un de ces goûts est plus poétique que l’autre, mais après tout ils peuvent s’avouer, puisque tous deux sont innocents.

« Seule dans le jardin où Charles n’allait presque pas, je me suis donc amusée à semer, à transplanter, à faire des boutures, et j’ai dû quitter Sennecey sans savoir ce qu’il est advenu de ces opérations diverses. Après huit ans passés, j’en suis encore intriguée. Je vais donc vous avouer toutes les libertés que j’ai prises dans votre clos, et à votre loisir, vous me ferez savoir ce qui a prospéré et ce qui n’a pas levé de mes cultures dans votre jardin.

« D’abord, j’ai proprement déterré six pieds de pervenches poussés sous la haie d’églantiers, et