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je respirais si bien l’air doux, l’air parfumé de Sennecey ! C’était si agréable, ces courses en jardinière avec vous, et ces arrêts dans vos fermes pendant lesquels les fermières me faisaient des gaufres ou des mâte-faim pour mon goûter. Elles me servaient aussi du lait bourru dans des bols de faïence peinte au fond desquels il y avait un coq rouge avec une queue bariolée de vert et de bleu et des pattes jaunes. Comme je me roulais dans les foins quand vous alliez inspecter vos faucheurs ! Et ces fêtes de la vendange, quand laissant inactifs mon petit couteau et mon panier, achetés par vous sur ma promesse solennelle de tenir ma range, je me couchais au pied d’un cep et le vendangeais à mon seul profit, pour avoir trouvé une saveur exquise à un grain goûté par hasard !

« Mon panier de vendangeuse est resté à Sennecey ; mais j’ai gardé mon petit couteau de six sous, sans espoir qu’il me servît jamais aux vendanges. Il me suffit de le rencontrer sous ma main pour me souvenir de ce jour où je me suis un peu grisée à même le cep, de grappes brûlantes dont chaque grain était comme un rayon de soleil liquide. Cette vigne-là est sur la côte, en allant vers St-Martin-de-Laives. J’en trouverais le chemin toute seule si j’étais à Sennecey.

« Bien des fois, vers la mi-septembre, j’ai pensé que c’était le temps où les femmes et les filles des villages voisins arrivaient chez vous en troupe afin d’être louées pour la vendange et je me disais :