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je me suffisais, que je m’appartenais, dans le sens le plus absolu de ce mot. Était-ce fierté ? était-ce force de caractère ? Je ne sais. Je viens de lutter contre cette longue habitude de silence, je viens d’évoquer des souvenirs que j’éloignais pour répondre à votre amitié et pour vous servir. Assez de femmes prennent un plaisir bas à se nuire mutuellement. Il est digne de vous et de moi de réagir contre ce vil penchant qu’on reproche à tout notre sexe, avec raison, peut-être. J’ai pleuré sur vous tout à l’heure. Pleurez main- tenant sur moi, ou plutôt consolons-nous et éclairons-nous, si nous le pouvons.

Quand j’ai quitté le couvent, vous étiez presque une enfant, puisque je suis de cinq ans votre ainée. J’étais à cette époque comme vous plus tard, une jeune fille ignorante de la vie, au cœur tendre, au caractère peu formé, car le vice de l’enseignement des femmes, en France surtout, est celui-ci : on fait tout pour l’éducation et l’instruction, rien pour le caractère. On tient à notre bon maintien et à ce que nous sachions quel roi succéda à Louis le Gros, mais on ne cultive pas nos facultés morales et on ne nous prépare pas aux luttes de l’existence. On nous jette dans un moule banal d’où nous devons sortir molles et malléables, car le plus bel éloge qu’on sache