Page:Blandy - Revanche de femme 1869.djvu/93

Cette page n’a pas encore été corrigée

tant, car elle jugeait Madame Brülher indécise devant l’arrêt à formuler. Ce silence l’alarma enfin au point, qu’émue par tout ce qui venait de sortir de son âme, elle dit à Suzanne :

— Je vous en supplie, parlez-moi, fût-ce pour me condamner. Votre silence me cause plus d’angoisses que le regard de Madame de Craye. Craignez-vous de me blesser ? Après ce que vous avez fait pour moi, je dois accepter avec une égale reconnaissance et votre désapprobation et votre aide. Parlez, Suzanne, mon cœur est suspendu à vos lèvres !

Et joignant le geste à cette prière, la jeune femme saisit les deux bras de Madame Brülher, mais elle recula de surprise quand, le voile de ses mains écarté, la figure de Suzanne lui apparut.

Un grand combat se livrait dans l’âme de Suzanne et l’on en distinguait les troubles dans ses traits. Ses lèvres pâlies frémissaient ; son œil sec flambait égaré. Des contractions pénibles tordaient l’arc pur de ses sourcils, et le réseau de ses veines saillait en nœuds à ses tempes, comme si tout son sang avait été appelé à son cerveau par l’effort et la lutte de ses pensées. Elle était belle ainsi, mais d’une beauté étrange, comme une de ces amazonnes sculptées sur les