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là-bas, à demi-voilés par l’ombre des grands arbres, les charmes discrets, les honnêtes sourires, les grâces chastes et timides. La foule est moins pressée, moins importune de ce côté et nul ne s’en plaint ; la turbulence des enfants anime seule ce coin isolé où la musique arrive adoucie, dépouillée de ses éclats cuivrés et d’autant plus agréable à l’oreille.

Comment définir cette foule qui parcourt les quatre allées ? elle est aussi mêlée que nombreuse. Elle fait se heurter et se coudoyer le fantassin ahuri par le bruit et les toilettes, le cavalier dont la démarche maladroite et les éperons ravagent toujours quelque traîne égarée sur le sable, le don Juan de comptoir orné de sa cravate claire, de son feutre à ruban bleu de ciel et de son verbiage copieux, l’élégant Lyonnais qui, suivant la mode en vigueur depuis quelques années, chemine fortement appuyé sur sa canne comme s’il était boîteux, l’ouvrier sans ouvrage, à la face blême, au corps décharné, qui vague, chancelant, en comparant tout ce luxe à la misère du logis affamé ; les officiers pimpants à moustache victorieusement retroussée ; enfin, l’industriel et le boursier qui marchent la poitrine en avant, la tête rejetée en arrière, frappant du talon, en sommes pénétrés de leur importance sociale.