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mais elle voulait profiter de son état de sourde pour entendre et de muette pour faire parler les autres ; aussi, quand d’autres personnes eurent pris possession du piano pour jouer des caprices plus ou moins brillants, des valses de concert farcies de fioritures, et de réminiscences musicales, elle échappa au jeune homme et s’en alla se poser tantôt près d’un groupe d’invités, tantôt près d’un autre, impassible en apparence, mais ne perdant rien de ce qui se passait autour d’elle.

Lina fit son profit de son observation. Que son rôle fût tout à fait délicat, c’est douteux ; mais à cet âge où l’on ne voit les conséquences extrêmes de rien, où la légèreté des décisions n’est pas entravée par les conseils de l’expérience, on va devant soi, suivant l’impulsion du moment, confiant dans sa droiture d’intention, et l’on finit par commettre des indélicatesses quand on n’a projeté qu’une malice et par s’embarrasser dans de graves intérêts là où l’on n’a vu qu’un jeu.

Le lendemain de cette réunion, Lina était grave contre son habitude. Au lieu de chanter et de sauter, comme il lui arrivait chaque jour malgré ses dix-huit ans, elle restait pensive dans un coin du salon. Au déjeuner, elle ne mangea