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de Schubert, elle pria Christian de prendre le cahier dans la bibliothèque et de lui tourner les pages. On s’éloigna sur le désir de Suzanne : le piano resta dans la pénombre à peine éclairée par les deux bougies du pupître ; les lampes jetaient toutes leurs clartés sur l’autre face de l’immense salon, vers le groupe des visiteurs attentifs.

Pendant que Suzanne jouait le lied, Christian, penché vers elle, la conjurait de dire quelle intention l’avait guidée dans le choix de cet air, qu’il n’espérait plus entendre, et qu’il regrettait de voir profaner par des admirations non initiées à son secret amoureux. Suzanne souriait, et le rayon de ses yeux tombait sur le jeune homme avec une expression mêlée de finesse et de mystère. Celui-ci s’exaltait au son de chaque phrase aimée ; ces accents mélodieux faisaient revivre le passé ; enchaîné près du piano par un charme irrésistible, il ne savait plus s’il y avait à l’autre bout du salon une autre femme dont il avait rêvé l’amour.

— Encore ! encore ! cria-t-on à Suzanne quand elle s’arrêta.

Elle reprit une fois de plus le lied en lui donnant un caractère de puissante gravité.

— Suzanne, un mot, de grâce ! Suzannne, -ce