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— Aucun. Le regard de mon mari m’avait terrifiée.

— Eh bien ! mon premier succès m’enhardit à tenter le second, répondit Madame Brülher.

Suzanne se leva, ouvrit le piano, et, après un long prélude, elle joua ce lied de Schubert, dans lequel son âme et celle de Christian avaient uni autrefois les émotions de leur amour naissant. Après en avoir répété les phrases mélancoliques, elle varia chacun de ses motifs en le transformant dans une improvisation passionnée, chargée de langueur, palpitante comme un aveu, douce comme un pardon. Quand elle eut fini, toutes les mains des assistants se tendirent vers elle.. Tous entourèrent le piano, électrisés par cette mélodie à la fois orageuse et suave. Un seul ne se mêla pas à cette admiration qui se traduisait par des compliments réellement sentis : c’était Christian. Accoudé sur le piano en face de la musicienne, il la regardait avec des yeux brillants sous la vague transparence qui précède les larmes. Tout le monde pressant Madame Brülher de rejouer encore ce lied, elle prétendit avoir besoin d’être moins entourée pour le répéter, et qu’il n’avait sa valeur qu’entendu à distance ; puis feignant de craindre un mélange audacieux de son improvisation avec le texte pur