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les seuls qui eussent goûté réellement les plaisirs de la promenade et la lassitude ferma leurs yeux pendant le trajet de Charbonnières à Sainte-Foy. Quand la voiture entra dans la cour de la villa, l’heure du dîner était passée, et M. Chainay, qui attendait le retour des promeneurs, se plaignit gaiement de l’égoïsme des gens qui oublient leurs amis pour leurs plaisirs. Cette aimable boutade tombait mal à propos ; cette journée avait été semée pour la plupart de plus de contrariétés que de joies, mais le vif éclairage de la salle à manger força les physionomies contraintes à une grimace étudiée, et chacun s’imposa une gaieté de convention tant que dura le repas.

Lorsqu’on eut passé au salon pour le café, Paule profita d’un moment où les hommes causaient dans l’embrasure d’une fenêtre pour venir dire à Suzanne.

— Vous ne m’avez pas regardée depuis notre retour. Vous m’accusez et vous n’êtes pas la seule ; mon mari est inquiet ; il m’a dit quelques mots pénibles, presque mérités ; pardonnez-moi si je me suis donné encore cette journée d’illusion. Je me suis étourdie moi-même jusqu’au dernier moment ; j’ai joui de mes croyances ébranlées, comme un condamné à mort aspire ses dernières heures de vie en sachant qu’elles s’éteindront