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coudes nerveux et durs comme le hoyau qu’ils maniaient souvent. C’est ainsi qu’un vigneron, haut en couleur, à l’œil émerillonné par quelques verres de vin ou par l’espoir d’un succès au Comice, heurta Lina qui arrivait sur la place de la Demi-Lune, au bras de Julien Deval, la première en avant de la troupe amenée par Mme Brülher. La jeune fille s’exclama involontairement : le rustaud l’avait poussée très-fort, et Julien adressa quelques mots un peu vif au vigneron qui répondit en toisant l’avocat :

Qu’est-ce qu’ils viennent faire ici, ceux-là ! C’est notre fête à nous. Nous ne portons pas nos sabots dans leurs salons. Et pourquoi crient-ils donc ?

D’où vient tant de malveillance ? demanda la jeune fille à Julien. Celui-ci me fait du mal, et c’est lui qui se fâche.

Il a le ton de nos paysans du Lyonnais, répondit l’avocat avec ironie ; depuis qu’avec notre système de suffrage universel, les campagnes font la loi aux villes ils affichent une insolence qui n’a d’égale que celle des populations ouvrières. C’est le stupide triomphe de la majorité sur la minorité intelligente. C’est ce qu’on nomme le progrès.

Lina fut étonnée de cette appréciation d’une