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été davantage. Christian n’avait péché que par froideur, et ce tort est léger en comparaison des déceptions qui atteignent des femmes aussi coupables et pourtant aussi délicates que moi.

Deux fois j’avais cherché l’amour ; mes tentatives me prouvaient le peu de fond que peut faire une femme sur les tendresses qu’elle inspire. Alors je me demandai, comme vous aujourd’hui, Paule, si tout l’intérêt de la vie consiste dans la passion. Je me confinai à Sainte-Foy pour me retrouver moi-même, pour épuiser dans la solitude l’amertume de mes pensées. L’automne rappelait tout le monde à la ville. Monsieur Brülher m’y avait précédée. Je demeurai ici ; je me fatiguai en courses sans fin dans les allées, jonchées de feuilles mortes, comme mon cœur, d’espérances flétries, et j’agitai le problème de ma destinée. Un hasard en décida.

J’étais assise dans le salon un soir qu’une rafale de vent tourmentait les arbres et faisait se choquer leurs branches sèches avec un bruit sinistre ; les sifflements de la bourrasque, suivis de lugubres plaintes, me causaient une souffrance nerveuse indicible. Ce combat aérien des éléments arrivait à mes oreilles avec des résonnances insupportables. Pour ne plus l’entendre, j’ouvris mon piano, négligé depuis longtemps.