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Dans les premiers jours je végétai machinalement, la tête aussi brisée que si j’y eusse reçu un coup de massue. Ce fut par degrés insensibles que je revis le roman absurde de mon voyage clandestin ; l’un après l’autre, ses détails me revinrent à l’esprit, m’apportant chacun son enseignement. Je vais vous paraître originale peut-être, mais après une ou deux semaines de méditations, mon amour, mon dépit, mon ressentiment, tout se termina par un immense éclat de rire. Je me moquai de moi plus que de Christian, car lui n’avait fait que suivre sa nature indécise, indifférente, et il ne m’avait pas aidée à me duper.

Les cœurs étroits se contentent à bon marché, leurs aspirations ne sont pas ambitieuses ; mais qui sent affluer en soi des désirs élevés ne sait point pactiser avec ses visées et continuer le même culte à son idéal rabaissé. J’avais grandi le caractère de Christian à la hauteur de mon amour, et quand la disproportion m’apparut, je pus railler mon erreur, après les premiers moments de douleur aiguë. Cette raillerie était poignante encore, car elle me laissait le sentiment de ce qu’on perd à se ravaler jusqu’à une passion indigne. Si la leçon était cruelle, je me demandais quelle eût été ma honte si elle l’avait