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— Ce sont là de nobles sentiments, Mademoiselle, mais qui ne font pas assez la part des exigences sociales, répondit Julien désappointé.

— Que voulez-vous ? les Allemands n’ont pas l’esprit pratique ! dit Lina qui observait la figure de l’avocat.

— Mais ils ont de l’esprit et du plus délicat ! dit Christian qui écoutait ce dialogue.

— L’esprit allemand ! dit Suzanne en souriant, car tout le monde avait fini par s’intéresser à la conversation des deux jeunes gens, il faut, pour l’apprécier, l’avoir goûté pendant quelque temps. Il n’éblouit pas d’abord ; ce n’est pas, comme notre esprit français, un feu d’artifice bariolé de cent couleurs, mêlé de fusées qui ne partent pas et de bouquets épanouis en tous sens et annoncés à grand renfort de détonations ; c’est quelque chose de moins éclatant, mais de plus fin. L’esprit allemand est châtoyant comme une perle ; il en a les doux reflets et les roses éclairs. Les yeux brûlés par les explosions de l’esprit français le nient, parce qu’ils ne savent pas le voir ; mais il fleurit en Allemagne ; il s’y épanouit dans les sourires et même dans les larmes ; parce qu’il y est la poésie du ceur tandis que notre esprit à nous est surtout la fantaisie et l’imagination.