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d’oublier de me saluer. Cet homme, attaché depuis longues années à la maison du docteur Crzeski, me connaissait à merveille, mais j’étais trop surexcitée pour craindre en ce moment le danger d’une indiscrétion, et j’allai droit à lui.

— On m’a dit que M. Crzeski est blessé et fort malade. Son père et ma mère n’étant pas à Lyon, je viens le voir à leur place. Où est-il ?

Le piqueur tourna sa casquette dans sa main, de l’air honnêtement embarrassé d’un inférieur qui se défend avec peine une supposition malveillante, et il me répondit :

— Monsieur vient à dix pas derrière moi.

— Il marche !… Il peut marcher !… Ne me trompez pas, Pierre, d’où vient-il en ce moment ?

— Eh ! Madame, de la chasse !

De la chasse ! et je l’avais cru mourant, et il ne m’avait pas écrit. J’avais tout risqué pour le voir : estime du monde, respect de mon mari ; j’avais tout enduré, commentaires narquois des indifférents, fatigues et embarras, déchirements du cœur, et pendant que j’allais vers lui à travers tant d’obstacles, lui, il avait-chassé ! Quelle honte pour moi ! quel ironique résultat de tant d’efforts !

Une seule pensée me vint : celle de la fuite. Le matin, j’aurais voulu avoir des ailes pour