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fila rapidement sur le plateau de la Croix-Rousse.

Blottie dans le coin d’un coupé, et seule pendant tout le parcours du voyage, je regardais se dérouler dans le cadre étroit de la portière l’immense plaine des Dombes, ses cultures maigres, étouffées, ses bouquets d’arbres nains, ses ajoncs vivaces trempant leurs racines dans l’eau de ses clairs étangs ; l’horizon, qu’aucune cime n’arrête, était vague et plat. Le seul charme de ce pays est tiré de ses principes délétères, c’est-à-dire de ses marais : sa flore aquatique a des opulences malsaines qui compensent la pénurie de sa flore terrestre ; ses mille plantes avides de fraîcheur entrelacent leurs ligaments en réseaux et leur feuillage d’un vert glauque à la surface des étangs, comme des arabesques jetées par la verve inspirée d’un artiste autour d’une glace de Venise. Les étangs ont la même transparence, la même profondeur cristallines ; ils reflètent les moindres accidents de leurs bords capricieux, les nuages irisés ou nacrés qui se baignent dans le bleu du ciel, le vol lourd du canard sauvage qui les rase et qui fait sa retraite dans les ajoncs de leurs rives. L’impression que me laissa ce pays fut celle de la désolation. Pas un travailleur dans cette large plaine ; de l’eau,