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à-dire désarmées si l’on s’en remet à notre générosité ; c’est plutôt là le mot de la situation. Heureusement que peu d’hommes sont dans le secret de notre faiblesse.

Christian fut plus habile que Julien, mais par hasard de caractère et non par système. N’ayant pas vécu de la vie ordinaire, il était très-peu homme, je veux dire qu’il n’avait pas la fièvre dans le sang. Je m’habituai à le laisser me bercer de douces paroles ; j’aimai ses grands yeux bleus qui me cherchaient partout et dont la mélancolie était rassurante ; j’aimai surtout cette fraîcheur d’émotions qui faisait une joie à Christian d’un mot jeté à la hâte, d’un bouquet dérobé, d’une romance chantée à demi-voix. Nous attachions des idées charmantes, puériles peut-être à telle ou telle mélodie ; il me redemandait toujours un lied de Schubert, que je ne puis jouer encore maintenant sans me sentir attendrie au souvenir de cette époque de chaste tendresse.

Mais ce pur bonheur nous échappa. Christian devint plus pressant ; il souffrait et (j’en suis certaine aujourd’hui) il s’exagérait ses tourments ; il se plaignait avec une tristesse qui me remuait au fond du cœur. J’avais perdu, en aimant, cette hardiesse perverse qui m’avait fait souhaiter des représailles ; le meilleur de mon âme s’était