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Ce n’est pas sans une grande tristesse que je renonçai à cette affection ; je m’effrayais en pensant aux heures vides que j’allais passer et que je ne savais comment remplir. On plaint le malheur des mères de famille obligées de gagner le pain quotidien de leurs enfants, et l’on ne comprend pas assez que cette dure tâche a des compensations. L’ennui, l’écrasant ennui, notre plaie à nous, femmes oisives, est inconnu aux ouvrières ; elles gémissent de leur asservissement à l’obstiné labeur qui use leur jeunesse ; mais s’il ride leurs fronts plus tôt que les nôtres il respecte la fraîcheur de leurs âmes, tandis que nos ceurs se flétrissent vite sous les orages auxquels nous les livrons pour fuir cet ennui que nous croyons tuer et qui nous tue, malgré ces efforts, et en raison de ces efforts.

Ma tristesse, que Julien devina, lui donna de l’espoir ; à bout de supplications, il voulut me reprendre par le dépit, et il me dit un beau soir que mon héroïsme était de la duperie, qu’il était puéril de garder tant de scrupules quand mon mari en avait si peu. Cette insinuation m’indigna, et je rompis la conversation sans Vouloir en entendre davantage. Je vis dans cette perfidie une petitesse qui me révolta, et une injure à l’homme auquel j’avais gardé mon res-