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milles s’attribuent à l’envi le bénéfice de ce changement de front ; mais eussé-je été certaine que Julien ne se vantait pas, qu’il m’eût été impossible de retrouver mes premiers élans de cœur vers lui. On parle beaucoup des lâchetés de la passion ; on dit même qu’elles s’imposent aux natures les plus fières. C’est heureusement une erreur. Beaucoup d’âmes sacrifient leur penchant à leur dignité ; beaucoup, et des plus généreuses peut-être, sentent l’irrévocable entre elles et ceux qui les ont abusées ; ces âmes-là répugnent à la faiblesse qui, de concession en concession, se laisse choir dans l’avilissement.

Nulle doctrine n’est plus funeste que celle qui préconise l’irrésistible pouvoir de la passion ; en s’appuyant sur elle, on croit subir une fatalité, quand on est seulement l’esclave de son inertie. Ne croyez pas, ne croyez jamais qu’il soit impossible de lutter, à quelque degré qu’on soit arrivé. Plus que tout autre, Paule, j’ai le droit d’affirmer le libre arbitre, car je n’ai failli qu’avec l’assentiment (de ma volonté, et dès que j’ai lutté avec quelque énergie, ma confiance dans l’indépendance de mon âme m’a rendue victorieuse.

Lorsque je dis que l’irrévocable s’était fixé entre Julien et moi, je ne prétends pas assurer que mon orgueil blessé commanda tout d’abord