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Je voulais de l’amour ses bonheurs d’âme, ses chers tourments et cette délicieuse obsession qu’il exerce sur toutes les facultés ; mais ma hardiesse n’allait pas plus loin. En vouant toutes mes pensées à Julien, je croyais n’enlever rien à mon mari, puisqu’il ne me demandait pas compte de mes sentiments. Mais bien qu’il eût tacitement abdiqué tous ses droits sur mon coeur, bien que, de mon côté, j’eusse tordu le sens de beaucoup de devoirs jusqu’à les traiter de préjugés, j’étais retenue par la conscience de tout ce qu’une femme perd à s’avilir, par l’impatience que m’eût causée ma honte et par le désir de toujours pouvoir embrasser ma mère sans rougir.

J’étais donc résolue à rester vertueuse de fait, et pourtant… pourtant si Julien ne m’avait pas mise trop tột dans la nécessité de me défendre, s’il avait su que les femmes se prennent au piége des désespoirs qu’elles croient causer, peut-être m’eût-il vaincue par la pitié et par les générosités de ma nature. Mais il attaqua ces questions trop vite ; je ne pensai qu’à moi. S’il avait attendu davantage, peut-être n’eussé-je pensé qu’à lui, et alors j’étais perdue. Quand je dis perdue, c’est que je n’eusse pas commis une faute, incomplète. Je me sentais la hardiesse de rom-