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été pour moi qu’un prétexte à arpéges et à fioritures, me causait des langueurs inaccoutumées ; mon goût naturel pour la toilette avait un sens nouveau ; ce n’était pas pour moi seule que je me faisais belle ; je tenais à plaire désormais. Je n’avais pas de but dans ces coquetteries : aucun des hommes qui rôdent autour de toutes les jeunes femmes ne m’avait émue ; je sacrifiais à ce Dieu inconnu, à cet idéal adoré par tant de rêveuses, qui se prennent aux chimères quand elles n’ont pas eu l’âme assez droite pour goûter les saines réalités.

Ici même, dans ce petit parc, j’errais le soir toute agitée. Je m’accoudais à la terrasse, je regardais à travers la brume lumineuse ce grand amas de maisons noires, d’où monte un bruissement éternel ; je suivais le rayonnement des gaz miroitant dans la Saône endormie ; je voyais sous les platanes du cours Napoléon se dessiner vaguement des ombres qui fuyaient les clartés indiscrètes, et je me disais :

« Ceux-là sont heureux ! ceux-là aiment et sont aimés ! Dans cette ville qui gît tout entière à mes pieds, pas une âme qui ne soit occupée de quelque autre ! La jalousie, les enivrements de la passion, les craintes qu’un sourire fait naître et qu’il dissipe, tous ces bonheurs, on les con-