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pitié de nous et nous prenne vite tous les quatre. L’agonie du pauvre monde est souvent trop longue, mon jeune père ! »

Arkadi pleurait sans le savoir en écoutant cet attendrissant récit.

« Pauvre Axinia, tu es si changée que je m’étonne de t’avoir reconnue. Mais tu as été trop orgueilleuse en ne venant pas nous trouver. Ce n’est pas bien à toi ; je t’en blâme. »

Il se tourna vers la voiture dans laquelle Stéphane s’était rencogné : « Et cet autre qui ne dit rien ! » murmura-t-il entre ses dents.

— Ah ! dit en soupirant Axinia, la faim chasse la fierté, mon jeune père. Je suis allée hier à la maison Alénitsine ; je voulais me jeter aux pieds de Praskovia Stépanovna et lui demander pitié, non pas pour moi qui l’ai offensée en la quittant, mais pour ces petits affamés. Elle a le cœur d’une orthodoxe ; elle ne les aurait pas repoussés. Mais… elle hésita… mon jeune père Stéphane Paulowitch m’a aperçue dans la cour ; il m’a fait chasser par Ermolaï… »

Arkadi poussa une exclamation indignée et montra ses deux poings à Stéphane qui s’était composé une figure impassible ; puis tout en essuyant ses joues sur lesquelles ruisselaient deux sillons de larmes, il dit à la pauvre femme :

« Il ne me reste que quelques roubles ; tiens, prends-