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cacher le flot de larmes qui, à ce mot, coula de ses yeux jusque sur les langes du marmot qu’elle serrait dans ses bras.

« Axinia ! dit-elle, oui, mon jeune père Arkadi Petrowitch, Axinia qui traîne ses pauvres petits de porte en porte, en implorant pour eux la pitié des orthodoxes !

— Mais ce que tu fais là est injurieux pour la maison Alénitsine, s’écria Arkadi. Pourquoi n’es-tu pas venue conter tes peines à Praskovia Stépanovna ? Et où est donc ton mari qu’il ne puisse nourrir ses enfants ?

— En prison, mon jeune père, pour s’être battu avec un soldat de la garnison. Le soldat l’avait fait boire et il l’avait ensuite injurié. Dorothéi a un cœur d’or, mais il est vif, il est fort ; le soldat a été blessé et il n’est pas encore guéri. Alors j’ai vendu tout ce que j’avais, jusqu’à ma pelisse, pour que la justice me rende mon mari. La police a eu tout cela de moi… mais c’était si peu, si peu… On a gardé tout de même mon Dorothéi. On m’a mise hors de ma chambre, que je ne pouvais payer ; mon lait a tari, et ce pauvre cher pigeon que j’ai là dans mes bras, crie à me fendre le cœur. Je voudrais le nourrir de mon sang, mais il l’empoisonnerait… J’ai tant souffert ! Et cette autre petite, voyez comme elle tremble la fièvre !… Et mon Dorothéi sous les verrous, lui qui est doux comme un enfant quand il est dans son bon sens ! Un travailleur d’un si grand courage !… Ils l’enverront en Sibérie, peut-être ! Oh ! que le Seigneur ait