Page:Blandy - Le Petit Roi.djvu/64

Cette page n’a pas encore été corrigée

Mais la comtesse, alarmée par les observations de Mlle Mertaud, insista dans le sens des conseils de celle-ci, et Stéphane obéissant au méchant instinct qui le portait à braver sa maîtresse de français, déclara que l’appétit lui venait, de sorte qu’en quittant la table des agouski pour aller s’asseoir à la droite de sa grand-mère à l’autre table, il avait déjà mangé quatre fois plus qu’il ne faisait d’habitude.

Cependant il fêta singulièrement la batvinia, soupe au saumon, au lait et aux herbes qui se sert froide, régal russe auquel Suzanne ne put goûter, et il dévora les mets variés qui se succédèrent pendant une grande heure que dura le dîner.

La comtesse s’émerveillait de trouver pour la première fois son petit-fils en si bon appétit, et elle conta même à Suzanne quelle peine on avait d’habitude à composer un repas qui fût à son goût. Arkadi fut réprimandé pour avoir osé dire tout haut le mot de l’énigme en affirmant que c était une gageure que Stéphane soutenait à ses dépens pour convaincre de fausseté les pronostics de Mlle Mertaud sur l’abus des liqueurs, et ce fut là-dessus que les convives quittèrent la table pour aller tous dans le petit salon de la comtesse qui avait choisi ce moment pour annoncer à ses petits-fils qu’ils allaient être sous la direction directe de leur maîtresse de français. Cette communication, que la comtesse fit avec une grande dignité, fut suivie d’un char-