Page:Blandy - Le Petit Roi.djvu/50

Cette page n’a pas encore été corrigée

pirouetter son cousin. Ce dernier s’arc-bouta contre la balustrade de marbre, s’apprêtant à répondre à ce qu’il crut être une attaque de Stéphane.

Mais ce n’était point à Arkadi qu’en avait celui-ci, ou plutôt, suivant l’injuste instinct des tyrans, il ne voulait pas s’en prendre à qui aurait pu lui résister, et c’était sur le pauvre cocher que devaient tomber les éclats de sa colère.

Un sifflement de la cravache se fit entendre ; puis les coups jaillirent dru sur la casaque bariolée et ce qui saisit Suzanne d’étonnement, c’est que cet homme de quarante ans, fort comme un chêne, qu’aucune loi divine ni humaine n’eût condamné s’il eût mis ce misérable petit despote à la raison, se laissa cingler par cet enfant sans mot dire et avec une sorte de contrition.

Un tel spectacle était insoutenable pour la vivacité chaleureuse de Mlle Mertaud. Elle trouva que l’indignation muette de M. Carlstone et l’ironie dédaigneuse d’Arkadi étaient des protestations trop peu actives ; au risque de se faire blesser, elle descendit le perron et saisit le bras droit de Stéphane au moment où son dernier coup de cravache, lancé à faux, faisait s’emporter hors de la vérandah le cheval de l’américaine.

Il se retourna furieux, et son geste contre la hardiesse de cette intervention fut menaçant ; mais Suzanne était animée de cette émotion généreuse qui centuple l’énergie. Tout en maintenant le poignet de Stéphane, elle regarda