Que les aveugles voient, et qu’ils saluent le Kremlin ! »
La voiture était arrêtée à l’entrée du pont de la Moskova, et de l’autre côté de la rivière se développait la masse énorme du Kremlin, cette ville-citadelle dont les remparts dominent Moscou, et qui s’élève au-dessus du niveau de la cité comme une cépée de grands chênes au milieu d’une prairie. De cet endroit surtout, le Kremlin surplombe d’une hauteur effrayante la Moskova aux eaux bleu-saphir.
Quand Mlle Mertaud eut embrassé d’un long regard cette montagne de pierres amoncelées, quand elle eut été écrasée physiquement par les proportions gigantesques de cette enceinte séculaire, elle voulut compléter son impression en détaillant l’ensemble du tableau, et, se levant à demi, elle se tourna vers le fond de l’américaine pour regarder la place à l’extrémité de laquelle la voiture s’était arrêtée.
Arkadi lui prit vivement les deux mains et la fit se rasseoir d’autorité : « Ne gâtez pas votre impression, lui dit-il, il n’y a derrière vous qu’un vulgaire plat d’épinards que vous verrez tout à votre aise de là-haut, ajouta-t-il en lui désignant le clocher de l’église du Kremlin. » Puis, sur un signe fait par lui au cocher, la voiture traversa le pont au petit pas.
« Vous avez au palais du Louvre, m’a-t-on dit, continua Arkadi, une fenêtre par laquelle un de vos rois, je