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Une foule bigarrée et bruyante sortait en même temps qu’elle des wagons : officiers en uniformes brodés, dames élégamment parées, marchands à profil israélite, mougiks (paysans) à longue barbe, encore vêtus de leurs louloupes en peau de mouton, bien qu’on fût aux derniers jours de mai, ce qui est le printemps, même en Russie.

Tous ces gens-là, à quelque classe de la société qu’ils appartinssent, étaient attendus à la sortie, et pendant que les équipages, dont les chevaux piaffaient près de gare, étaient appelés par les valets en livrée à mesure qu’apparaissaient leurs maîtres, les parents des voyageurs moins fortunés se précipitaient vers la porte d’arrivée, et le pêle-mêle des reconnaissances, des embrassements, heurtait et repoussait l’étrangère dans tous les la sens. Nul ne faisait attention à son embarras et ne prenait en pitié les regards anxieux qu’elle jetait à droite et à gauche, comme si elle se fût attendue à une bienvenue qui lui manquait.

C’était cependant une personne de grand courage que Suzanne Mertaud ; elle n’avait pas hésité, pour donner un peu de bien-être à sa mère et pour parfaire l’éducation de sa jeune sœur, à venir remplir à Moscou les fonctions de maîtresse de français dans la famille du comte Alénitsine. Mais après avoir supporté presque gaiement la fatigue de son long voyage, elle fut saisie d’un accès de frayeur en se trouvant ballottée entre tous