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moments où l’être physique se connaît à peine et où l’être moral gît encore dans les limbes de l’ignorance, il est facile d’observer les caprices, les fantaisies de l’instinct.

Ainsi prévenu dans tous ses désirs, le petit Stéphane — on lui donna ce nom qui avait été celui de son grand-père — devint le tyran de la maison seigneuriale. Dès qu’il put articuler quelques paroles, on ne laissa auprès de lui que les gens qui lui agréaient, renvoyant impitoyablement ceux qui lui étaient désagréables. L’obéissance la plus absolue était la loi de la maison entière à son égard. — Cette prescription venait de la comtesse Praskovia, et non du comte Alénitsine qui, absorbé par la douleur à lui causée par la perte de sa femme, ne cherchait que de rares moments de consolation auprès de l’enfant qui lui restait d’elle. Encore la vue de Stéphane lui était-elle pénible parfois, car elle lui rappelait la plus grande peine de sa vie. Aussi après une année passée à la Mouldaïa, résolut-il de laisser son fils à la comtesse Praskovia et de voyager afin de se distraire de son chagrin. Il ne se sentait plus le courage de reprendre la carrière militaire dans laquelle il avait eu, jusque-là, de brillants succès.

Il prit justement cette résolution dans le temps où son ancien général vint lui rendre visite, au moment des chasses d’automne, comptant ramener avec lui à son régiment son ancien aide de camp.