« Tes ours sont-ils très-doux ?
— Oui, Votre Honneur. La maligne est hargneuse, elle a plus couru le monde et plus reçu de coups de bâton ; mais Napoléon ne connaît pas sa force. C’est tout jeune et encore… bête. Puis l’eau-de-vie, qui excite la vieille, étourdit Napoléon. S’il en avait bu un verre de plus… Savez-vous quoi ? Il se serait mis à dormir, et il nous aurait fallu le traîner jusque chez nous comme un paquet. »
À ces explications, Stéphane se frotta les mains.
« Écoute, puisque ton ours est si docile, dit-il au bohémien, il faut que tu l’amènes là-haut, à la maison seigneuriale. Il s’agit d’un tour à jouer à l’un de mes amis, une gageure que j’ai faite avec lui. »
Alléché par la promesse d’une bonne récompense, le bohémien laissa ses camarades revenir avec l’autre ours au campement installé près du village, et il suivit Stéphane qui combinait en route la plaisanterie qui lui était venue à l’esprit pendant le spectacle.
Quand il eut expliqué à l’homme qu’il s’agissait d’enfermer l’ours dans une chambre du second étage pour que la personne qui l’habitait, sortie pour le moment, trouvât chez elle en rentrant cet hôte inattendu, la prudence du bohémien s’éveilla et il refusa tout net de se prêter à un projet qui avait bien son danger. Il voyait bien que Stéphane parlait en maître ; mais il voyait aussi que ce n’était qu’un enfant, et il savait qu’en cas