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lui donnait dans sa langue maternelle, l'Espagnole semblait pénétrer à regret dans notre maison. Elle jetait de côté et d'autre des regards effarés, mais s'adressant plutôt aux diverses issues qu'aux nouveaux visages qui s'offraient à elle. On aurait dit qu'elle se figurait être notre prisonnière, et cherchait par où elle pourrait s'évader.

Ses grands yeux noirs qui erraient de place en place, bien qu'elle tint sa tête obstinément baissée, avaient quelque chose de tragique. Ils étaient farouches, presque fauves. Je me demandai s'ils savaient pleurer. Ils paraissaient ignorer les larmes, qui ont leur douceur, après tout. Brulés par la fièvre qui avait noirci leurs paupières, ils dilataient leur pupille avec une sorte d'horreur terrifiée qui faisait mal à voir.

L'étrangère s'était assise ou plutôt affaissée sur le siège où grand-père l'avait installée dans la salle à manger. C'était en vain que Marion avait placé devant elle un plateau chargé de mets, dont un bol de bouillon chaud tenait le milieu. Ses mains jetées sur ses genoux, le corps secoué par un frisson qui faisait claquer