Page:Blandy - La Benjamine.djvu/19

Cette page n’a pas encore été corrigée

Grand-père se promenait à pas lents dans le salon. Il allait de la porte d’entrée à une des fenêtres du jardin, levant la tête chaque fois qu’il passait devant le portrait de ma mère, placé au-dessus du piano. Après l’avoir regardé, il reprenait sa marche vers la porte et disparaissait pour moi dès qu’il dépassait l’angle du paravent ouvert derrière le métier à tapisserie de tante Paule. C’était seulement alors que je me risquais à regarder ma tante à travers le voile humide qui obscurcissait ma vue. Tante Paule tirait ses points avec une régularité mécanique, et, si ses soies sifflaient en traversant le canevas, c’est que la brodeuse exhalait ainsi son dépit d’avoir été rabrouée ; mais elle se tenait pour dit qu’elle ne devait plus s’occuper de moi. Pas une fois elle ne leva la tête pour me montrer qu’elle s’intéressait à ma peine. Cet abandon me fut cruel, et mes sanglots, mal contenus, m’étouffaient lorsque grand-père finit par s’arrêter devant moi après des allées et venues silencieuses, qui avaient bien duré un quart d’heure.

« Encore ? » dit-il d’un ton sévère. « À qui en as-tu ? que te manque-t-il ! »