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mais mon grand-père quitta brusquement son fauteuil et se pencha sur le métier à broder de tante Paule pour lui parler tout bas. Quoique je n’entendisse pas ce qu’il lui disait, son ton, ses gestes exprimaient du mécontentement. Il la grondait au sujet de son exclamation, et elle lui répondit, sans prendre la peine de baisser la voix :

« Mais, mon père, elle a seize ans, et vous n’espérez point la garder sa vie entière ignorante de tout ce qui l’intéresse ? »

Qu’y avait-il donc ? Quel était ce mystère de malheur que grand-père tenait à me cacher, et que la pitié de tante Paule aurait dù me faire pressentir depuis longtemps ? Déjà un peu émue par la musique, je fus prise d’un accès de sensibilité d’autant plus vif qu’il était sans cause appréciable pour moi, et j’allai me jeter en pleurant dans les bras de tante Paule.

« Vous le voyez, » dit-elle à mon grand-père, « j’ai pourtant observé l’engagement de me taire que vous m’avez imposé. L’enfant peut vous dire elle-même si je lui ai jamais ouvert les yeux sur ce qui la touche. Vos précautions, vos scrupules, mon cher père, ne