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Après avoir déchaussé Alice, qui jeta des cris involontaires pendant qu’il coupait sa bottine et enveloppait, après l’avoir regardé, son pied contourné dans une limousine rayée, Jacques Sauviac donna un ordre à Vittorio, qui courut dans le pré voisin ; lui-même il pénétra dans l’intérieur de sa voiture, où il défit des paquets, et se mit à couper par bandes une assez bonne chemise de toile.

Pendant ce temps, l’orage allait toujours son train ; la pluie, la grêle, le tonnerre faisaient rage. Paul, accroupi sur le devant de la charrette, tenant la main de sa sœur, se demandait ce que cet étranger allait faire pour soulager le mal de la pauvre Alice. Tous deux pensaient à l’inquiétude que leur absence devait causer aux Ravières et au chagrin encore plus grand qu’on y éprouverait en les voyant revenir dans cet état. Paul, qui avait lu bien des histoires d’enfants volés, se demandait si cet homme vêtu de noir n’était pas quelque saltimbanque qui allait les emmener bien loin et les forcer à faire des tours dans les foires. Il gardait toutefois cette terreur pour lui ; Alice avait bien assez de son mal.

Pétrus, sur les épaules duquel le charretier avait jeté une limousine, se tenait, pour toute punition, près du mulet déjà attelé, afin de le maintenir en repos. Le fidèle animal, protégé par une bâche de grosse toile doublée en quatre sur son dos, se tenait coi et envoyait de petits hennissements joyeux à l’adresse de Vittorio. Celui-ci herborisait dans le pré, à l’abri d’un parapluie en coton rouge, luisant sous la pluie comme un gros coquelicot baigné de rosée. Quand la corbeille qu’il portait fut pleine de certaines herbes, il revint vers la charrette, mit les herbes dans un bassin de fer battu et les broya avec une grosse pierre ; puis il étendit ce cataplasme vert et juteux sur le morceau de toile que son père avait déchiré.