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si jeune, qu’Alice reprit courage et se hasarda à regarder celui qu’elle nommait tout bas le vilain homme noir. Quelle fut sa surprise ! Elle avait devant elle un jeune garçon de treize ans environ, plus grand que Paul de toute la tête, et dont les yeux bleus étaient fixés sur elle avec bienveillance.

Cette figure sympathique, encadrée dans des cheveux très frisés, blonds comme de l’or, sous les ailes du large chapeau, inspira à la petite fille le courage qui manquait à Paul pour s’excuser.

« Vous vous trompez, lui dit-elle, mon frère Paul n’est pas méchant du tout ; c’est Pétrus qui a tout fait. » Et elle conta par le menu tout ce qui s’était passé, s’interrompant de temps en temps pour porter la main à son pied blessé.

Ce mouvement et l’expression de douleur qui était répandue sur sa figure portèrent Vittorio à l’interroger, et quand Paul, éperdu dans une situation si critique, lui eut dit en pleurant que sa sœur croyait s’être cassé le pied, Vittorio, sans autre explication, prit Alice dans ses bras et la porta jusque dans la voiture, déjà remontée sur la route. Elle eut bien quelque appréhension en se sentant saisie ainsi par un inconnu ; mais le sourire du jeune garçon, qui laissait entrevoir deux rangées de dents blanches, était si bon qu’elle se gronda de sa frayeur.

« Voici bien une autre histoire ! s’écria Jacques Sauviac lorsqu’Alice eut été étendue sur le banc de la charrette. Ces enfants riches, élevés dans du coton, doivent y rester, sous peine de démancher leurs ressorts. Si encore le mal était arrivé à ce petit scélérat, continua-t-il en montrant le poing à Pétrus ; mais non, il faut que ce soit cette petite belle qui l’ait attrapé. Attention ! mon chou, il faut que je visite ce pied-là. Ça me connait. »