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mes brancards cassés, car je vois à tes habits que tu n’es pas un vagabond, et ce n’est sans doute pas la première fois que ton père payera tes sottises. En attendant, viens m’aider à relever ma charrette et à ficeler mes brancards. Vittorio, ohé ! Vittorio, donne-nous donc un coup de main. »

Cet appel ne fut pas entendu. Vittorio avait de l’autre côté de la haie une occupation qui l’absorbait. Paul, après l’étourdissement causé par sa chute, s’était tout de suite inquiété de sa sœur, et l’avait trouvée à dix pas de lui, tombée si malheureusement qu’elle ne pouvait plus se relever. Son pied gauche se refusait à se poser à terre et à la soutenir. Elle le sentait « gros et mort », disait-elle avec un effroi qui s’accrut d’une nouvelle crainte quand elle vit sauter, par-dessus la haie, les deux charretiers coiffés de leurs chapeaux de feutre à larges ailes. Elle se cacha la figure dans la poitrine de Paul, qu’elle entendit bientôt faisant à un de ces étrangers le récit de son équipée, dont sa fierté dédaigna d’esquiver la responsabilité.

C’était à Vittorio que Paul faisait cette confession.

« Je comprends ; vous avez voulu nous jouer un tour, dit Vittorio. Puisque vous dites que vos parents payeront les dégâts, c’est que vous êtes riche. Mais vous ne savez peut-être pas, mon petit monsieur, que l’argent ne paye pas tout. Si notre pauvre Asicot s’était tué en tombant, ni or ni argent n’auraient remplacé pour nous ce vieil ami. Mais voilà ! vous ne pouvez pas comprendre cela, vous autres. Vous avez des tas de gens qui vous chérissent, et il ne vous reste pas assez de cœur pour vous attacher aux bêtes et craindre de leur faire du mal. »

S’adressant à Paul, ce reproche tombait bien à faux ; mais il était prononcé avec un sérieux qui ne manquait pas de douceur, et d’une voix si mélancolique, si fraîche cependant,