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La situation était critique et offrait une perspective peu agréable au cocher improvisé. Attendre les propriétaires de la charrette et leur présenter des excuses, Pétrus n’y songeait pas ; l’idée de faire courir après lui sous la grêle et la pluie ces pauvres gens lui parut fort bouffonne, outre que c’était le seul moyen d’esquiver le coup de gaule dont leur colère le menaçait.

En dépit de Paul, qui lui ordonnait d’attendre les charretiers, sans pitié pour la pauvre Alice, qui se bouchait les oreilles pour ne pas entendre le coup de tonnerre que venait d’annoncer un éclair aveuglant, Pétrus fit tomber sur le corps du mulet une kyrielle de coups de fouet dont les cuisantes atteintes affolèrent l’animal. La charrette repartit aussitôt, aussi secouée qu’un peloton de laine attaché à la queue d’un chat, et, à la suite de bonds désordonnés qui la promenèrent d’un côté à l’autre de la route, elle vint s’abattre dans un fossé par un choc qui cassa les deux brancards et fit sauter les enfants par-dessus la haie.

Le mulet, qui ne s’était fait aucun mal, se dépêtra en quelques ruades. Dès qu’il se sentit libre, il se mit à courir vers ses maîtres, en traînant après lui tout son harnais et les deux pièces de bois détachées des brancards. Il hennissait, fier de la façon dont il s’était débarrassé de ses tyrans de rencontre, étonné toutefois de se sentir si léger et de n’être pas lesté du poids accoutumé de la charrette.

« Te voilà, mon pauvre Asicot, lui dit, en le flattant par la main, son maître, qui était un homme d’environ cinquante ans, vêtu d’un costume de velours de coton noir rayé. Qu’est-ce que c’est que cette aventure ?… les brancards cassés ! la charrette sur le flanc !

— Ah ! père, c’est ma faute, lui dit, en le rejoignant à ce moment-là le jeune garçon, qui venait du côté de Marna.