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Comme la pluie, poussée par le vent, rayait transversalement l’espace, les enfants n’étaient pas mouillés du tout sur ce siège ; seul exposé aux intempéries, le mulet donnait des signes d’impatience auxquels Pétrus fit diversion par un coup d’État.

Avant que ses camarades pussent s’aviser de son intention, il rassembla les rênes et cingla sur le dos du mulet un coup de fouet si magistral que la charrette tressauta en se mettant en marche. Paul querella Pétrus de ce manque de parole et lui enjoignit de faire arrêter ; celui-ci n’en pressa que plus l’attelage. Le mulet, excité par le mauvais temps, par ce traitement inaccoutumé et peut-être par le dépit de ne pas reconnaître un ami dans celui qui le conduisait, se mit à dévaler rapidement le chemin. Heureusement Pétrus avait le poignet solide ; mais cette vitesse de grand trot ne lui parut plus suffisante lorsque, après avoir débouché sur la grand’route, il entendit deux cris partant, l’un du côté de Chardonnay, l’autre du chemin qu’ils venaient de quitter.

« Arrêtez, brigand ! Attendez-moi ! ou gare à vous ! disait l’un.

— Asicot, disait l’autre, mon mignon Asicot, arrête-toi ! »

Ces cris étaient poussés par des voix haletantes appartenant à coup sûr à des gens qui couraient après la charrette.

Le mulet, qui trottait les oreilles jetées en arrière, à la malcontent, entendit ce double appel et se planta sur ses pieds comme sur quatre piquets rivés au sol. Pétrus, hasardant sa tête hors de la capote de toile, aperçut à deux cents pas en arrière, sur la grand’route, un homme robuste qui accourait en faisant les grands bras et en lui montrant le poing, puis, sur le chemin de Marna, un jeune garçon de tournure dégagée qui agitait dans sa main une forte gaule de coudrier.