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« Ah ! ah ! on ne peut donc plus plaisanter ? Voyons, montre-moi ton amusette… Ce sera quelque hanneton. Est-ce que c’est vrai que vous les mangez en salade chez vous ? car, pour sûr, si ton oncle en ramasse un chaque fois qu’il se baisse dans ses promenades, il doit les récolter par boisseaux… Tiens, non ; voilà une très jolie bête ! Laisse-la-moi voir de plus près. »

Tout en haussant les épaules aux sots propos de son camarade, Paul avait résolu de maintenir la paix pour ne pas effrayer sa sœur, quitte à ne plus jamais sortir avec un compagnon si peu convenable. Il tendit la boîte qui contenait le coléoptère à Pétrus, sans se douter que celui-ci voulait se venger d’avoir reculé quelques minutes auparavant. Pétrus ouvrit la boîte et saisit l’insecte entre ses doigts comme pour mieux le voir, mais en réalité pour détruire cet être innocent, auquel Paul devait rendre la liberté le lendemain, après l’avoir regardé, étudié et dessiné tant bien que mal.

« Prends garde, tu vas le laisser tomber… il se sauvera. »

Un cri perçant de Pétrus répondit à cette recommandation. Sans que le frère et la sœur comprissent rien à la subite angoisse de leur camarade, celui-ci se mit à brailler de toute la force de ses poumons, à taper du pied et à frotter ses yeux de la manche de sa veste. Enfin, à toutes les questions qui lui étaient adressées, il répondit, tout en dansant sur place avec force grimaces arrachées par la douleur :

« Je suis aveugle… j’ai cinq cents gouttes de poison dans l’œil droit. C’est cette maudite bête qui l’y a lancé. Ça me pique, ça me brûle, j’ai l’œil noyé… Que faut-il faire ?

— Attends, dit Paul ; il y a un petit ruisseau là-bas, au ras du pré ; nous y laverons ton œil. »

En prenant la main de son camarade pour le conduire, Paul aperçut entre ses doigts les restes écrasés de l’insecte.