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donné congé à ses élèves qu’il s’était refusé à conduire au Villars pour le dîner dans les sillons, à cause de l’ardeur du soleil. Tante Catherine faisait placer par un menuisier dans la vaste grange une longue table de planches calée sur des tonneaux et à laquelle devaient prendre place les cinquante moissonneurs. Le four chauffait ; les servantes allaient et venaient, chargées de verres et de vaisselle, ou couraient après les dindons qui, devinant à quel triste sort on les réservait, s’enfuyaient en piaulant au fond de la basse-cour. Effarouchés par leurs bonds grotesques, les coqs battaient des ailes et s’envolaient lourdement ; les poules gloussaient, et les canards faisaient un plongeon dans la mare, après avoir cancané d’un ton de détresse.

Tout le monde dans la maison étant, vers deux heures de T’après-midi, dans le coup de feu des préparatifs, personne ne s’occupait des enfants, qui seraient restés paisiblement dans le berceau de vigne vierge, si Pétrus Courot ne fût venu les y trouver.

Il portait ce jour-là la tête trois pouces plus haut que a habitude, car il étrennait un costume de coutil blanc dont était très fier. Il est vrai que cette couleur mate faisait ressortir en noir sur sa figure ronde des taches de rousseur aussi serrées que celles dont les abricots en plein vent sont piqués. N’importe, il se croyait si beau qu’il avait planté de côté son chapeau de paille à la marinière dont les rubans bleus, ornés d’une ancre d’or, flottaient par derrière, et il agitait d’un air crâne une badine en jonc appropriée à sa taille. Ainsi paré, avec l’adjonction d’une cravate couleur bleu vif, il se croyait mieux mis et plus dégagé dans sa taille courtaude que Paul Thonnins, invariablement vêtu de coutil gris.

« Tu viens avec moi, lui dit-il. Nous sommes invités à goûter chez ma cousine de Chardonnay.