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d’essayer et d’exercer sa force. Il n’y trouvait pas le plaisir qu’il aurait pris si Jean-Marie lui avait rendu étreinte pour étreinte et francs revers de main pour coups de poing. Le Bénicheux n’osait pas, comme il disait, « cogner sur le fils à ses maîtres », et dès lors la partie n’avait plus d’attrait pour Paul, puisqu’elle prenait le caractère d’une oppression de fort à faible.

Quant à Pétrus Courot, que son père envoyait souvent aux Ravières, c’était un si méchant gamin que les élèves de l’école communale le nommaient le chéti Pétrus, pour le distinguer des innombrables Pétrus d’Uchizy. Cette qualification de chéti vient du mot chétif, c’est-à-dire malingre, peu robuste au physique ; la langue populaire, qui aime les images, a transporté cette signification au moral, de sorte qu’un chéti enfant, un chéti homme, sont des individus dont la constitution morale est corrompue par un vice originel.

Celui de Pétrus Courot était la vanité. Son père possédait environ deux cent mille francs en biens fonds, richesse moindre que celle du maître des Ravières, et, comme la vanité est faite de mépris pour les inférieurs et d’envie à l’égard de ceux qui l’emportent sur elle en avantages palpables, Pétrus Courot fatiguait Paul Thonnins de ses flagorneries entremêlées de picoteries taquines. Il parlait sans cesse de ses terres, de ses chevaux, des paires de bœufs que son père venait d’acheter à la dernière foire, des régiments de futailles qui attendaient au Pilori la prochaine vendange, toutes questions matérielles qui étaient bien indifférentes à Paul. Paul jouissait de l’aisance des Ravières comme les enfants riches jouissent du bien-être, sans y songer, et avec la certitude qu’il n’en pourrait pas être autrement. Cela lui semblait être le cadre naturel de la vie ; c’était par oui-dire et sans trop se rendre compte du fait dans ses cruels détails qu’il savait qu’il existe des pauvres. À Uchizy, où chacun possède peu