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faites, oncle Philibert ! Et qui donc jouera avec Alice aux récréations ?… Elle pleure encore !… Mais tais-toi donc ; quand je l’entends, c’est plus fort que moi, et c’est bête pour un garçon. Tiens ! tu me mets en colère contre moi. »

Et Paul, renfonçant ses larmes, se frotta les yeux de ses poings, pendant que Philibert Chardet, ne sachant si le silence du docteur ne signifiait point que cette scène lui déplaisait, laissa les deux enfants ensemble et alla retrouver M. Thonnins, qui tenait dans sa main un tube de verre contenant une araignée de jardin. Philibert l’avait rejoint afin de pouvoir sonder l’impression que lui avait causée le chagrin des enfants ; mais, la timidité faisant le fond de son caractère, le jeune maître des Ravières n’osa point aborder le sujet qui lui tenait au cœur, et il choisit le prétexte à lui fourni par la curiosité du docteur.

« Vous vous demandez sans doute, lui dit-il, à quoi il me sert de conserver si précieusement un des insectes les plus communs en tout pays. J’ai voulu expérimenter s’il est vrai que les araignées puissent vivre de longs mois sans prendre de nourriture. J’ai pris celle-ci en août, et, depuis ce temps-là, elle n’a rien mangé. Qu’elle eût pu vivre ainsi tout l’hiver, cela eût été normal, mais je l’ai mise au jeûne forcé en plein été, en me promettant de ne lui donner la liberté qu’aux premiers jours du printemps. Cela me rappelle que j’ai promis à Paul de le faire assister à la délivrance de ma prisonnière. Il faut que je m’exécute aujourd’hui, si je veux tenir ma parole, puisque cet enfant va nous quitter. »

Le docteur n’eut pas l’air de comprendre la prière timide cachée sous cette dernière phrase, car il répondit d’un ton jovial :

« Bah ! votre araignée est morte, elle ne bouge pas ; son corps est diaphane, et plus pâle qu’il ne le serait s’il lui