Page:Blandy - L Oncle Philibert.djvu/64

Cette page n’a pas encore été corrigée

« C’est décidé, vous l’emmenez donc ?

— Sans doute, et dès ce soir, reprit M. Thonnins ; il a perdu trois semaines et aura grand’peine à rattraper ses camarades de classe. Mais Mme Chardet m’a déjà laissé voir la peine que vous cause à tous cette séparation. Je la conçois. Moi-même je suis seul à Lyon, incapable de soigner Alice. Je vous la laisse donc très volontiers, sa présence vous dédommagera. »

En entendant cette décision, Paul était partagé entre le chagrin de quitter les Ravières et la joie d’aller retrouver ses amis du lycée. Il ne savait comment concilier dans son cœur et dans sa contenance ces deux sentiments opposés ; il avait tout à la fois envie de sauter de joie et de protester qu’il ne voulait pas quitter l’oncle Philibert. Quant à Alice, elle se trouvait trop bien de la vie de campagne pour s’affliger de demeurer là où elle s’était déjà fait une foule d’amis, gens et bêtes. Pourtant elle fut soumise à la même alternative de joie et de chagrin ; mais elle manifesta cette émotion comme une douce créature qu’elle était, en fondant en larmes.

« Quoi ! tu préfères t’en retourner à Lyon ? lui dit l’oncle Philibert en la prenant sur ses genoux et en essuyant les yeux baignés de pleurs qu’Alice essayait de cacher dans son tablier.

— Ce n’est pas cela, dit-elle d’une voix étouffée par les sanglots, pas cela ; mais Paul s’en va ! Je ne verrai plus Paul ! »

Ce chagrin fut communicatif. Quoiqu’il voulût de temps en temps faire l’homme, c’est-à-dire se montrer au-dessus des faiblesses enfantines, Paul sentit des picotements à ses yeux, une constriction sèche à son gosier. Il serra les poings, toussa très fort, et se mit à arpenter la salle de long en large ; mais cet effort viril se résolut en une émotion dont il ne fut plus le maître quand ses allées et venues le ramenèrent