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lui ai dit : Tu es enrhumé ? Et il m’a répondu : Non, je ne sais pas pourquoi je béniche[1]. Quel drôle de mot, n’est-ce pas, pour dire qu’on éternue ? Alors, j’ai appelé Jean-Marie le bénicheux, et il est bien sûr de garder ce nom tant que je serai aux Ravières. Ça ne le fâche pas ; il a bon caractère ; il entend la plaisanterie.

— Ah ! vous vous moquez de notre patois et de nous autres. C’est naturel, on est si simple dans nos campagnes !

— Mais non, du tout, je ne me moque pas. Je m’amuse, c’est bien différent.

— Puisqu’il vous faut des camarades, continua le maître du Pilori, je vous enverrai demain mon fils Pétrus, qui est de votre âge ; il a plus d’esprit et d’éducation que votre bénicheux, et c’est un ami qui vous convient mieux que le fils d’un simple vigneron. »

Paul ne comprit pas la vanité qui respirait dans cette dernière phrase ; mais l’oncle Philibert ne fut pas content de cette promesse, car Pétrus Courot était le plus mauvais petit drôle d’Uchizy, toujours occupé à quelque malice, et plus souvent à l’école buissonnière que sur les bancs de la classe primaire.

Peu à peu le souper s’anima, et, lorsque parurent les jattes d’œufs au lait et les flans de courges, l’on parla de « chanter chacun la sienne. » Le père Chardet tint à honneur de s’exécuter le premier ; il entonna d’une voix de basse-taille tout à fait inculte, mais juste, la chanson de circonstance, si populaire dans le pays :

    Cette côte à l’abri du vent
    Qui se chauffe au soleil levant
    Comme un vert lézard, c’est ma vigne !

  1. Ce verbe, qui se conjugue régulièrement dans le patois d’Uchizy, dérive sans doute de la vieille expression : « Dieu vous bénisse ! » qu’on emploie à l’égard de ceux qui éternuent.