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s’ornait déjà de sa belle rampe à dessins d’épis de blé encadrés d’une guirlande de trèfles.

Claude Chardet resta stupéfait à l’entrée de la cour. Il n’était pas habitué à ces actes d’indépendance de son fils, et le caractère de Philibert avait rendu jusque-là facile à son père l’exercice d’une autorité absolue. Philibert ne se mêlait de l’administration du domaine qu’à titre de conseiller bénévole ; encore ses avis étaient-ils rarement écoutés par le maître des Ravières, car celui-ci avait plus de foi dans la routine consacrée que dans les théories scientifiques de son fils, bien qu’il en eût recueilli le bienfait chaque fois qu’il les avait prises en considération.

C’était donc pour Claude Chardet un fait inouï que cette mise en œuvre, sans son ordre, des derniers agencements du logis neuf qu’il avait laissé inachevé jusque-là, autant par incurie villageoise que par chagrin de la mort de sa fille. N’eût été la présence des ouvriers, il eût interpellé vivement Philibert pour lui demander compte de la liberté qu’il avait prise ; mais, ne voulant pas faire critiquer au dehors, une fois de plus, son caractère emporté, il tourna en plaisanterie le reproche qu’il désirait adresser à son fils, et, allant lui frapper sur l’épaule, il lui dit :

« Est-ce que c’est pour m’amener de Tournus en carrosse ces gaillards-là que tu m’as pris Noiraud ce matin ? Peste ! pour avoir été brouettés en princes jusqu’à leur chantier, ils n’ont guère avancé leur besogne.

C’est du joli ouvrage et vite fait, ne vous en déplaise, monsieur Chardet, répliqua le maître ouvrier pendant que Philibert souriait en silence. Nous l’avons expédié en cinq heures, car le voilà quasiment fini, et nous ne serons pas fâchés si vous faites atteler pour nous ramener à Tournus, d’où nous sommes venus sur nos jambes, quoi que vous en disiez.