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prendre par Mme Chardet, mais qui tenta de piquer de son bec rose les doigts de la petite fille.

« Dans un mois il viendra de lui-même se pavaner, faire la roue devant toi, car c’est un pigeon paon, tu vois sa queue en éventail dressée, lui dit sa tante. Maintenant viens voir la chèvre et ses biquets qu’elle nourrit en ce moment… Les trouves-tu gentils ?

— Oh ! qu’ils sont drôles ; ils ont l’air de trembler sur leurs jambes écartées.

— C’est qu’ils ne savent pas encore bien marcher.

— Et ces oreilles en l’air, ces airs effarés, ces petits nez noirs tout ronds ! Mais ils ne sont pas du tout sauvages. Leur poil est comme de la soie ondulée. Ah ! leur mère les rappelle… Comme ils trottent. Bon ! un qui roule à terre. Le voilà relevé, et il renifle comme un petit chien… Oh ! les gourmands ! Comme ils tiraillent leur mère maintenant.

— Donne donc une pomme à la Grise, et ne crains pas ses cornes ; elle ne s’en sert que pour se défendre contre ceux qui la taquinent trop fort, et elle a bien compris les amitiés que tu as faites à ses biquets.

La Grise regardait la nouvelle venue de ses pupilles obliques qui semblaient danser à travers ses prunelles jaunes et vertes ; son air était bienveillant, en dépit de ses cornes rugueuses et tordues en arrière. Alice s’approcha timidement et tendit à la bête la pomme dans laquelle elle avait elle-même mordu. La Grise flaira le fruit, le fit sauter dans sa litière d’un coup de nez, et se mit en position défensive, son front busqué en avant, comme si elle eût pris pour une injure le don offert par la petite fille et comme si elle eût attendu d’Alice un autre mauvais procédé.

Assez effrayée, Alice recula ; mais sa tante la rassura tout de suite.