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— Mon oncle, fouettez donc un peu Noiraud, dit Alice. Il me tarde tant d’arriver. »

Tante Catherine accueillit les enfants avec des transports de joie. Ils lui rendirent ses baisers avec effusion ; mais Alice fut un peu étonnée de trouver Mme Chardet coiffée, comme ce haut chapeau en dentelles noires, maintenu derrière la coiffe plissée par des flots de ruban moiré, et de la voir se mettre à l’œuvre de ses propres mains ses servantes, de pour préparer au rez-de-chaussée du logis neuf les chambres de ses nouveaux hôtes.

Certes, Alice n’était pas de ces petites filles vaniteuses qui établissent des catégories de rang suivant la distinction des costumes ; mais sa tante Thonnins avait des habitudes d’élégance, et il lui semblait étrange que son autre tante portât un large tablier de cotonnade sur sa robe de mérinos brun et prit la peine de vaquer elle-même aux soins domestiques.

« Est-ce que ma tante Chardet est pauvre, qu’elle fait elle-même son ménage ? demanda-t-elle tout bas à son frère pendant que Mme Chardet était passée dans la pièce voisine. Alors je l’aiderai tant que je serai à Uchizy. »

Cette question naïve fut entendue par la grosse Marion la chamballère[1], qui préparait à deux pas de là le lit d’Alice.

« Ma petite demoiselle, lui dit-elle en riant, notre maîtresse n’est pas une dame de la ville. Rien n’est bien fait aux Ravières si ce n’a point passé par ses mains, car, par ici, plus une femme est riche, plus elle est courageuse à bien tenir sa maison. À ce compte-là, not’maîtresse doit être la plus intrépide d’Uchizy, car elle ne connait pas sa fortune. »

Mme Chardet, qui avait entendu par la porte entr’ouverte la naïveté de sa nièce, le bon mouvement de son petit cœur

  1. Nom que l’on donne à Uchizy aux servantes qui ont pour attributions les soins intérieurs du ménage.