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me tirer de peine. Je viens de loin, de très loin pour voir M. Claude Chardet et savoir s’il a encore chez lui un enfant…

– Ah ! vous êtes mon oncle ! » s’écria Vittorio en se jetant dans les bras de l’étranger.

Ce fut dans le wagon, où, par bonheur, ils étaient seuls, une scène délicieusement confuse. Les embrassements, les poignées de mains se croisaient, et ce ne fut qu’entre la station de Pont-de-Vaux et celle d’Uchizy que M. Théodore Demaisy put expliquer comment il était resté tant de temps sans faire parler de lui.

Après avoir passé quelques années avec sa famille dans l’Amérique du Sud, où ils avaient été enrôlés dans une compagnie de Saladeros[1], ils n’avaient été libres de leurs engagements à l’égard de cette rude existence qu’en 1867. Munis de quelques économies trop faibles pour leur permettre de l’aisance en Savoie, ils s’étaient rendus en Pensylvanie, où ils étaient devenus concessionnaires d’un terrain montagneux. Ils avaient établi là une ferme ; mais la mal’aria des défrichements avait fait périr tous les membres de la famille, et, comme par une ironie du sort, dès que M. Théodore Demaisy s’était trouvé seul, désespéré de tant de pertes, on avait découvert sur son terrain une source de pétrole, qui, du jour au lendemain, l’enrichit.

Pressé de fuir un pays qui ne lui rappelait que des douleurs, ne se rattachant à la vie que par l’espoir d’être utile au neveu qu’il avait confié à Jacques Sauviac, M. Demaisy avait vendu sa ferme bien au-dessous de sa valeur, c’est-à-dire 200,000 francs. Arrivé en France, il avait couru à Mozat, d’où la veuve Sauviac le renvoyait à Uchizy.

  1. Hommes qui conduisent, gardent et abattent les troupeaux dans les pampas.