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donner le bal dans une maison particulière, au lieu de le célébrer dans la salle publique, où les danses de chaque dimanche font tournoyer leurs quadrilles et leurs valses sous les yeux des grands-parents.

La noce du Bénicheux fut joyeuse, et pour nul autre autant que pour Alice et Vittorio, qui, après le premier embarras d’une intimité forcée, perdirent leur timidité mutuelle. Ils ne pouvaient guère causer ensemble dans cette foule du bal, accrue de toute la jeunesse du pays, au milieu de ces groupes dansant et tournoyant coude à coude ; mais un regard, un sourire, une pression de mains leur prouvaient qu’ils s’entendaient et s’aimaient mieux que jamais.

Dans l’intervalle de deux danses, les invités à la noce montèrent l’escalier intérieur qui relie la salle du bal au café, afin d’y aller prendre des sirops et de la bière. Comme il ne se trouva point de place pour lui à la table où Alice s’assit près de son grand’père et des nouveaux mariés, Vittorio alla rejoindre l’oncle Philibert qui s’amusait, auprès de Paul, d’entendre la Jeannette Lizet racontant la chronique d’Uchizy. Il allait s’asseoir auprès d’eux, lorsque Pétrus Courot, harnaché en don Juan de village, l’œil insolent, la bouche moqueuse, vint lui demander la permission de danser un quadrille avec sa checalière.

Prévoyant la possibilité de ce cas, Alice avait prié Vittorio de lui en épargner le désagrément. Bien qu’un chevalier ne doive à personne d’explications ni d’excuses pour un refus à ce sujet, Vittorio voulut accommoder les choses de son mieux en les tournant en plaisanterie et il répondit à Pétrus :

« Depuis trois ans que je suis absent, tu as pu faire danser Alice à toutes les noces. Moi, je vais repartir si tôt, que je compte garder pour moi seul le droit de la faire danser ce soir. J’en demande pardon à ceux que cela prive. »