Page:Blandy - L Oncle Philibert.djvu/269

Cette page n’a pas encore été corrigée

sur la voie. Claude Chardet recula d’un pas, en voyant venir à lui, le premier, un grand jeune homme dont la figure un peu brunie s’accompagnait d’une barbe dorée toute frisottante. Il avait peine à reconnaître, dans ce grand jeune homme, ce Vittorio parti fluet, presque malingre, pâli par le double travail des mains et de la pensée, qui était venu passer quinze jours à Uchizy, trois ans auparavant.

« Oh ! c’est moi, c’est bien moi, mon parrain ! » s’écria Vittorio, en embrassant à plusieurs reprises le maître des Ravières.

Il se jeta ensuite, avec effusion, dans les bras de tante Catherine et de l’oncle Philibert ; puis, à son tour, il recula tout interdit lorsque Paul lui amena par la main sa sœur Alice, rougissante d’émotion.

Lors du dernier séjour de Vittorio aux Ravières, Alice n’était qu’une adolescente de quatorze ans, et ils avaient repris sans effort, l’un avec l’autre, l’ancien ton fraternel qui s’était maintenu dans leur correspondance ; mais c’était maintenant une belle jeune fille que Paul présentait à son ami, et il sembla à Vittorio qu’il faisait en elle une nouvelle connaissance. Lorsqu’on s’étonna qu’il ne l’embrassât point, il le fit avec timidité et ne sut pas dire un seul mot à Alice. De son côté, elle ne trouva pas plus d’aisance ; elle resta muette, elle qui, le matin même, ne tarissait pas, dans ses conversations avec ses parents, sur tout ce qu’elle voulait demander et faire conter à son ami.

Cette disposition se maintint pendant les quelques jours qui s’écoulèrent entre l’arrivée des deux jeunes gens et le tirage au sort. D’un accord tacite, ils se disaient : vous, eux qui s’étaient tutoyés jusque-là, et ils n’osaient guère se parler que devant la famille réunie. Alors seulement, ils retrouvaient un peu de leur ancienne familiarité ; encore n’était-ce