Page:Blandy - L Oncle Philibert.djvu/265

Cette page n’a pas encore été corrigée

s’en était aperçu lorsqu’il était venu, peu de temps auparavant, à Uchizy pour fêter son succès dans l’épreuve du baccalauréat ès sciences.

« Bachelier ès lettres à seize ans, licencié idem à dix-huit, bachelier ès sciences à dix-neuf, voilà qui est fort bien, avait-elle dit. Décidément, tu poursuis ton programme, et je ferai bien de m’appliquer à la broderie au passé, si je veux que tu me confies le soin de broder les palmes de ton habit d’académicien. Les vois-tu toujours dans tes rêves ?

— Plus que jamais, avait-il répondu en riant de tout son cœur. Tu vois bien que la marche des choses suit le cours indiqué par moi autrefois, puisque l’oncle Philibert est membre correspondant de l’Académie des sciences, et qu’il a été décoré en janvier pour ses travaux sur la kermès, la pyrale de la vigne et le phylloxera, et pour le bon exemple que donne au pays sa ferme modèle de Gigny. Quand je pense que peu s’en est fallu, en 1858, que l’oncle Thonnins n’emportât mon mémoire sur la chrysis dorée à la place de celui de l’oncle Philibert sur les insectes aquatiques !

— Qui sait ? si ton manuscrit avait été publié à la place de celui de l’oncle, c’est peut-être toi qui serais décoré et académicien correspondant… On t’a peut-être fait là une grande injustice.

— Oh ! je la réparerai ; mais il faut le temps. Compte un peu : à vingt-deux ans, je serai docteur. À vingt-cinq ans, mon dernier grade pour les sciences. Ceci, c’est un peu plus difficile. Ensuite, je fourbis mon attirail de voyageur, je vous tire ma plus belle révérence, et me voilà parti pour courir le monde d’un continent à l’autre, observant tout, plantes, animaux, races humaines, sols, eaux, et faisant parler jusqu’aux cailloux, à chacun son langage.

— Ah ! de ce coup je ne ris plus, avait répondu la jeune