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vieillesse était une coquetterie. De fait, le maître des Ravières portait légèrement ses soixante-douze ans ; sa taille robuste n’était pas affaissée. Il mangeait bien, grâce à ces dents courtes et petites que les Chizerots conservent presque toutes jusqu’à la plus extrême vieillesse, et, si ses lunettes à tiges de fer avaient dû grossir leurs verres pour lui permettre de lire ses registres, il n’avait pas besoin de les placer devant ses yeux pour s’assurer que sa petite-fille Alice était la plus belle jeune fille de dix-sept ans qui pût se voir à Uchizy, des Ravières au bord de la Saône, et du Pilori aux Écuyers.

L’éducation d’Alice s’était faite entièrement à Uchizy, malgré tout le désir qu’aurait eu de la reprendre chez elle Mme Thonnins, revenue d’Afrique en bonne santé, après un an de séjour à Blidah. Mais il avait été si lucidement démontré que, pour avoir été élevée à la campagne, Alice n’en possédait moins plus de savoir que n’en peuvent prendre, dans pas les meilleures institutions, les jeunes filles de son âge, qu’il ne s’était pas trouvé de raison valable pour ôter la joie de sa présence aux grands-parents des Ravières.

Dans leurs visites, assez fréquentes en été, M. et Mme Thonnins avançaient bien quelques propos sur la nécessité de leur confier Alice à chaque saison d’hiver, afin de lui montrer le monde et de lui procurer par ce moyen un établissement convenable ; mais Claude Chardet, son fils et sa belle-fille s’entendaient, par un pacte tacite, pour ne pas sembler comprendre ces ouvertures. Quand on en laissa échapper quelque chose devant la jeune fille, elle répondit qu’elle n’était pas fatiguée de son bonheur actuel, qu’elle était, d’ailleurs, trop folle d’esprit, trop rieuse pour prendre si vite le sérieux d’une jeune madame.

Le fait est que, tout en devenant instruite, dévouée aux siens, bonne à tous, Alice était restée un peu railleuse ; Paul